Le jeu

Au Moyen-Age, les joueurs construisent des murs qui formeront les limites de futures villes. Tours et maisons apparaissent au fur et à mesure dans ces villes. Les joueurs devront remplir certaines conditions lors de la construction de ces villes pour gagner des points de victoire. Saurez-vous deviner ce que veulent faire vos adversaires pour les devancer ?

Comment ça marche

Le plateau de jeu est composé de cases triangulaires et est divisé en 3 régions. Au début du jeu, chaque joueur reçoit 6 cartes, indiquant des conditions à remplir pour gagner des points de victoire.

A son tour, un joueur pose un mur sur le bord d’une case. Il lance ensuite les 3 dés. L’un des dés indique la couleur de la tour qui doit être placée à l’une des extrémités du mur. Si l’autre extrémité du mur est libre, le joueur doit y poser une tour de la couleur de son choix. Les deux autres dés indiquent la couleur des maisons qui doivent être posées de chaque coté du mur.

Ensuite, si la pose du mur crée une zone entièrement entourée de murs, une ville est créée, ce qui entraine un décompte de points. Le joueur qui a posé le mur peut ouvrir la ville à l’une de ses voisines en retirant les murs qui les séparent. S’il y a 2 maisons de la même couleur, elles sont retirées et remplacées par un palais de la même couleur. Ensuite, chaque joueur peut jouer une ou deux cartes pour gagner des points. Les cartes sont du genre "Pour chaque tour blanche autour de cette ville, vous gagnez 2 points", ou "Pour chaque maison rouge se trouvant à l’extérieur des villes, vous gagnez 1 point". Après avoir gagné ses points, un joueur pioche une carte, même s’il en a joué 2. Un joueur peut aussi renoncer au décompte, défausser une carte et en piocher 2. Après le décompte, le ou les joueurs qui sont derniers au score peuvent échanger autant de cartes de leur main qu’il souhaite avec la pioche.

Qu’il y ait eu ou non un décompte, c’est ensuite au tour du joueur suivant. La partie se poursuit jusqu’à épuisement soit des murs, soit des tours, soit des maisons, soit des palais. La partie est alors terminée. S’il n’y a pas eu de décompte pour finir la partie, on en fait un (en respectant les règles habituelles). Le joueur qui a cumulé le plus de points est le vainqueur.

Critique

Pour quelqu’un comme moi, l’ouverture de la boite de Mauerbauer est un pur bohneur : passé la surprise de voir ce plateau un peu "nu", on découvre une très grande quantité de matériel en bois (à la manière d’un Medina). Les cartes sont des belles qualité, joliment illustrées même si le dos est assez bizarre (c’est le même personnage que sur la boite, qui a quand même étrange allure).

Les règles du jeu se révèlent simples et s’assimilent facilement. Cependant, les premières parties sont assez déroutantes : on semble assez dépendant des jets de dés, du tirage de cartes, des constructions des autres. Le début de partie est assez simple, on pose son mur, ses tours, ses maisons et c’est fini. Par la suite, le jeu se complique rapidement et il est assez difficile de comprendre toutes les implications de ses actions (choix du placement des maisons, jeux des cartes pendant les décomptes, fusion des villes lors de la fermeture...). Tout cela est déroutant, et on se dit que ce jeu est bien chaotique sans avoir de réels avantages à coté. Il faut persévérer un peu (ce qui est souvent le cas pour les jeux de Colovini) pour se rendre compte que ce jeu est bien sympathique. Certes le chaos reste présent, mais le jeu est tout à fait contrôlable, surtout si on connait les cartes. C’est une condition indispensable pour "lire" le jeu de ses adversaires et ainsi interagir avec eux.

Mauerbauer est donc un jeu d’expérience, mais qui reste suffisamment simple pour plaire à un large public. Surtout que lors des premières parties, l’interaction n’est pas trop forte et ne rebute donc pas. Il faut donc faire 2-3 parties pour connaitre les cartes (il n’y en a pas tant que ça), leurs implications, celles qui sont fortes et à quel moment de la partie il faut les jouer. Réussir à comprendre les cartes est indispensable pour vraiment apprécier Mauerbauer : elles sont le nerf du jeu et permettent de nombreuses options.

Mauerbauer est un jeu plutôt équilibré : la plupart des cartes ont leurs forces et leurs faiblesses, souvent en fonction du moment où on les joue. De même, le hasard des dés, s’il est présent, reste facilement contrôlable. Comme dans beaucoup de jeux de ce type, il ne faut pas vouloir à tout prix quelque chose, mais il faut plutôt essayer de s’adapter au tirage obtenu, ce qui est toujours possible. De plus, le joueur en dernière position peut refaire sa main, ce qui peut s’avérer utile et rééquilibre le jeu en faveur de ceux qui ont eu un mauvais tirage de cartes. L’ensemble de ces détails rend le jeu équilibré et oblige chaque joueur a optimisé au mieux le hasard.

Comme je l’ai dit plus haut, l’interaction à Mauerbaeur passe avant tout par une bonne connaissance des cartes. C’est en observant ce que font les autres joueurs que l’on peut deviner quelles cartes ils ont en main et on peut alors mettre en oeuvre des moyens pour les contrer ou profiter de ce qu’ils construisent. Il faut donc toujours rester attentif à la manière dont joue un joueur et essayer de comprendre où il veut en venir en jouant tel ou tel coup. Le gros intérêt de Mauerbauer réside dans cette "lecture" du jeu adverse. En ne jouant qu’avec des joueurs expérimentés, il est même possible de bluffer un peu.

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Partie en cours

Mauerbauer est donc un jeu de construction mêlant habilement hasard et tactique. Les joueurs tentent constamment de deviner les cartes de leurs adversaires et d’améliorer leur main de cartes. Ils essayent de deviner les intentions de leurs adversaires pour les gêner ou profiter d’eux. Ce qui me plait aussi, c’est qu’une partie de Mauerbauer ressemble à une course de fond où les cartes représenteraient l’endurance des coureurs. On est obligé de récupérer des cartes régulièrement pour pouvoir continuer à jouer. Au fur et à mesure de la partie, les joueurs s’essouflent (s’épuisent en cartes) et récupèrent (repioche des cartes) et essayent de tenir jusqu’au bout. Comme dans une course, on essaye de préparer le sprint final, c’est-à-dire de se constituer un stock de cartes qu’on utilisera à fond jusqu’au bout. Si on commence le sprint trop tôt, on va se retrouver à cours de cartes avant la fin de la partie, et on sera obligé de récupérer des cartes alors que les autres engrangeront des points. Si on commence trop tard, on va finir avec des cartes en main et on aura donc perdu du temps à piocher à un moment de la partie. Cela donne une tension particulière au jeu.

Mauerbauer se joue très bien quel que soit le nombre de joueurs. Evidemment, il est plus facile de lire le jeu de ses adversaires lorsque l’on est moins nombreux et on garde plus de contrôle sur la formation des villes à 2. Mais le jeu reste très agréable jusqu’à 4 joueurs, offrant alors pas mal de possibilités pour profiter des actions des autres.

Conseils tactiques et stratégiques


- Une partie de Mauerbauer se gagne en général entre 100 et 120 points.
- Les cartes restent le nerf du jeu et votre seul manière de gagner des points : ne perdez pas vos obejectifs de vue.
- Observez bien le jeu de vos adversaires : la manière dont il joue peut vous donner des indications sur les objectifs qu’ils poursuivent. S’ils ont les mêmes que vous, concentrez-vous sur d’autres objectifs.
- Les cartes rapportant des points pour les tours en dehors des villes sont très fortes en début de partie : si vous remarquez que vos adversaires éparpillent des tours partout, c’est qu’ils ont sûrement ce type de cartes. Si vous n’en avez pas, fermez rapidement une ville pour mettre votre adversaire devant un dilemme et pouvoir renouveler votre main de cartes.
- N’oubliez pas que les conditions de fin de partie sont nombreuses. Si votre main de cartes vient à s’épuiser et que vous ne pensez être capable de la renouveler, n’hésiter pas à accélérer la partie (en plaçant des murs qui permettent de poser 2 tours ou en cherchant à épuiser le stock de palais).
- Etre dernier permet de renouveler son stock de cartes : n’oubliez pas que le moment où il est le plus simple d’être dernier, c’est au début de la partie.
- Sur le forum de Tric Trac, palferso propose une variante intéressante pour limiter le hasard de la pioche : lorsque la pioche est épuisée, retournez la défausse sans la mélanger pour former la nouvelle pioche.

Public

Les règles de Mauerbauer sont relativement simples et assimilables par un public assez large. De plus la part de hasard permet à chacun de s’y retrouver. Cependant, le plaisir n’y est pas forcèment immédiat et la part de hasard, qui peut sembler difficilement contrôlable, pourra rebuter les "hardcore gamers".

Conclusion

Comme toujurs, Leo Colovini nous sert un jeu déroutant, où la part de hasard semble au premier abord trop importante, mais qui se révèle, à l’usage, bien plu subtil qu’il n’en a l’air. Cependant, Mauerbauer a un petit quelque chose en plus qui le place, selon moi, parmi les meilleurs Colovini. Evidemment, tout n’est pas parfait : le plateau est un peu terne mais est relevé par le matériel en bois magnifique, certaines cartes piochées au bon moment peuvent donner un avantage certain, mais on joue quand même sur le long terme.

Mauerbauer est donc une réussite, parfaitement jouable de 2 à 4 joueurs en une heure environ et qui restent suffisamment simple pour être joué par un public assez large.